Bilan 2024 : une bonne année pour les marchés, un grand écart selon les zones
Les marchés financiers se sont bien comportés en 2024 mais les disparités ont été fortes selon les zones géographiques, reflétant les divergences des dynamiques économiques.
• Aux États-Unis, l’indice le plus représentatif de l’économie US (le S&P 500) a progressé de plus de 23%, réalisant la 2e meilleure performance annuelle sur les 25 dernières années. La hausse a été entretenue par les grandes valeurs technologiques, notamment celles liées à l’Intelligence Artificielle, le Nasdaq 100 progressant de près de 30% alors que le Dow Jones n’a gagné que 13%.
Les marchés des USA ont été soutenus par une croissance économique proche de 3% (la récession consécutive à la hausse historique des taux en 2022/2023 ne s’est donc pas produite), un coût de l’énergie 1.5 fois moins élevé qu’en Europe, le leadership technologique, une productivité en hausse et enfin les perspectives liées à l’élection de Donald Trump.
Il ne faut toutefois pas surestimer l’impact du nouveau président sur les ac-tions : du lendemain de son élection à la fin de l’année (du 6/11 au 31/12 donc), le S&P 500 a…légèrement baissé. Il faut dire que les conséquences de l’application de son programme seraient contrastées.
D’un côté, ses mesures pro-business, notamment la baisse des taxes pour les entreprises et la volonté de déréglementation, sont saluées par les marchés. D’un autre côté, l’application de ses projets les plus infla-tionnistes (tarifs douaniers, expulsion de migrants) vont limiter la baisse des taux de la Banque Centrale américaine et risquent de provoquer une guerre commerciale, dans laquelle il y a rarement de gagnants.
Enfin, l’imprévisibilité de Trump, y compris sur des sujets géopolitiques, et l’activisme d’Elon Musk suscitent des inquiétudes.
En revanche son élection a favorisé le dollar, qui s’apprécie de 6% contre l’euro en 2024, et le Bitcoin qui s’est envolé pour atteindre les 100.000$. L’or a également monté, en lien avec les tensions géopolitiques.
• En Asie, le Nikkei japonais affiche un gain de 19% (aidé notamment par l’affaiblissement du yen) et la Chine a mis un terme à 4 années de baisses consécutives depuis 2020 avec une hausse de 15%. Pour autant, la consommation chinoise demeure atone, le marché immobilier en crise et l’industrie en surcapacités.
• En Europe, l’Eurostoxx 50 progresse de 8%, aidé notamment par l’indice allemand (DAX 30) qui paradoxa-lement gagne 19% alors que l’économie est en récession, grâce la forte hausse de SAP et SIEMENS. Les indices des pays d’Europe du Sud ont également progressé de plus de 10%.
• Enfin en France, le CAC 40 est le seul indice important à baisser, de 2.15 % en 2024. Il a reperdu plus de 10 % sur son point haut à 8.259 points, pénalisé :
- d’une part, par l’incertitude politique née de la dissolution et par l’incapacité à voter un budget alors que la dette représente désormais 113,7% du PIB , à 3.300 milliards d’euros. Le déficit quant à lui se montera à plus de 6% du PIB, contraignant la France à lever plus de 300 milliards d’euros de dette (record d’Europe) en 2025 pour le financer et payer les intérêts du stock existant.
- d’autre part, par la forte pondération du secteur du luxe, qui s’est replié en bourse (LVMH -13%, L’Oréal -25%, Kering -40%, seul Hermès est en hausse), souffrant notamment de l’atonie du marché chinois. Certaines baisses de l’ordre de 40% (ST Micro Electronics, Stellantis) ont également pesé sur le CAC.
Par ailleurs, la plupart des marchés ont été soutenus par la baisse des taux qui s’est produite pratiquement par-tout dans le monde, pour accompagner la décrue de l’inflation qui se rapproche de l’objectif de 2%. Ainsi la Banque Centrale Européenne (BCE) a-t-elle baissé ses taux de 1% depuis juin 2024, les ramenant de 4 à 3%.
Ce mouvement a favorisé les actifs obligataires, notamment les dettes à haut rendement (High Yield), les dettes financières (les fonds Axiom Obligataire, Lazard Crédit Fi ou Omnibond gagnent plus de 10% en 2024) ou encore les obligations des entreprises émergentes (IVO Fixed Income progresse ainsi également de 10%).
Enfin, les tensions géopolitiques ont finalement eu peu d’impact sur les marchés.
Perspectives et recommandations
L’économie américaine va continuer à surperformer celles des autres zones développées.
L’investissement sur les actions américaines demeure donc pertinent mais il faut souligner que :
• Les valorisations des actions sont très élevées aux USA : le PER (rapport entre les cours des actions et les bénéfices des entreprises) est ainsi au plus haut à 24 fois les résultats contre 16 fois en moyenne historique. La surcote est également très forte par rapport aux autres zones : 13 fois en Europe et beaucoup moins encore dans les émergents. En conséquence, le marché est désormais fragile face aux éventuelles déceptions sur les résultats, notamment dans la technologie.
• Les États-Unis ont attiré tous les flux financiers, notamment en fin d’année, si bien que tous les fonds sont surpondérés aux USA, au détriment des autres zones géographiques. L’indice de confiance est ainsi au plus haut, ce qui est rarement un bon signal.
• Les taux US à long terme sont nettement remontés depuis l’élection de Donald Trump (de 3.6 à 4.7% sur les taux à 10 ans, ce qui est considérable) et la Reserve Fédérale devrait moins baisser que prévu ses taux à court terme en 2025. Cet élément, pénalisant pour l’ensemble de l’économie et notamment le marché immobilier, est un facteur de soutien de moins au marché actions US, notamment aux valeurs de “croissance”.
Les 7 magnifiques (Microsoft, Apple, Amazon, Google, Meta, Tesla, Nvidia) ont généré l’essentiel de la hausse ces dernières années mais une diffusion de la performance à d’autres secteurs est probable ainsi qu’aux petites entreprises, moins chèrement valorisées et les plus favorablement impactées par les mesures de la nouvelle administration. Le marché est d’ailleurs déjà en train de se rééquilibrer : Nvidia, valeur emblématique de l’intelligence artificielle, a ainsi progressé de 150% au premier semestre 2024 et de moins de 10% au second alors que United Airlines (représentatif de la “vieille économie”) a connu la trajectoire inverse avec une stagnation jusqu’en juin et +100% sur la deuxième moitié de l’année.
Nous préconisons donc d’investir aux USA non seulement sur les valeurs technologiques, qui conservent du potentiel à terme, mais également sur l’ensemble du marché, via des fonds plus diversifiés (Fidelity America), les “Small et Mid caps” (petites et moyennes valeurs) et des thématiques à terme.
La conjoncture est bien plus morose en Europe avec une quasi-stagnation économique pour la deuxième année consécutive (consommation, investissement, industrie et compétitivité en berne), qui se traduit notamment par une remontée du chômage, un prix de l’énergie qui demeure élevé et des incertitudes politiques en France mais aussi en Allemagne où des élections générales sont convoquées fin février.
Les marchés ont déjà intégré ces différents éléments et jouent le scénario du pire : en conséquence les actions européennes affichent une décoté historique (de l’ordre de 40 à 50% selon les secteurs) par rapport à leurs homologues américaines.
Ce constat conduit à continuer à détenir des actions européennes qui pourraient de redresser si des bonnes surprises survenaient, indépendamment des faibles valorisations précédemment évoquées :
- La BCE va continuer à baisser ses taux pour relancer l’activité européenne sans être entravée par un risque de résurgence inflationniste, contrairement aux USA. Cette divergence des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique sera un facteur de soutien aux actifs européens.
- Donald Trump pourrait être plus conciliant que prévu sur sa politique commerciale, la hausse des droits de douane étant davantage utilisée comme une menace pour obtenir des accords avantageux.
- Un cessez-le-feu en Ukraine serait favorable à l’Europe.
- Un plan de compétitivité européen doit être annoncé prochainement, à la suite du rapport Draghi.
- Les élections allemandes pourraient déboucher sur une coalition encline à desserrer la contrainte budgétaire et relancer l’activité, notamment industrielle, qui en a bien besoin outre-Rhin.
Il faut souligner par ailleurs que nombre d’entreprises européennes sont des leaders mondiaux, exposés à la croissance globale. Ces sociétés sont sensibles à la conjoncture internationale (les entreprises du CAC 40 ne réalisent que 14% de leur chiffre d’affaires en France) et pourraient bénéficier d’une bonne conjoncture aux USA, d’un euro faible face au dollar mais aussi d’un éventuel approfondissement du plan de relance chinois (lequel est indispensable pour éviter une spirale déflationniste).
À noter que les marchés européens peuvent être notamment joués via les produits structurés qui permettent de se positionner sur les actions tout en bénéficiant de fortes protections à la baisse et de rendement annuel élevé, de l’ordre de 8 à 10% actuellement.
Enfin, les obligations d’entreprises ou du secteur financier, sur des maturités de 3 à 4 ans permettent à la fois de bénéficier de rendement brut encore supérieur à 5% et de la baisse des taux courts attendue en Europe dans les prochains mois.
SYNTHÈSE
“L’exceptionnalisme” américain devrait perdurer avec une croissance plus élevée que dans les autres zones. La progression plus forte des résultats justifie en partie les valorisations plus élevées des actions US mais une diversification hors de la technologie est pertinente. Le développement de l’Intelligence artificielle et du cloud va se poursuivre.
• D’autres méga tendances présentent également de l’intérêt à moyen/long terme (blockchain, sécurité, transition énergétique…) comme exposé dans le document “Prospective”.
• Les élections allemandes et les baisses de taux de la BCE pourraient être un catalyseur de rebond des actifs européens, confrontés à la sinistrose des investisseurs pour l’instant.
• La Chine demeure confrontée à des problèmes structurels, l’Inde recèle davantage de potentiel.
• Les obligations européennes offrent toujours un bon rendement/risque dans une gestion prudente.